Si on est riche et jolie, peut-on se passer des bonnes manières ?

C’est en tout cas la conclusion de Jane, une jeune femme anglaise imaginée par la reine du crime, Agatha Christie.

Dans son roman, la jeune héritière parle avec Hercule Poirot et son prétendant Howard. Elle ne le ménage pas, c’est certain.

Voici les références de lu livre et l’extrait :

Un, deux, trois… d’Agatha Christie, édition Librairie des Champs-Elysées, collection Le masque, Paris, réédition de 1993, p.150.

« — Taisez-vous, Howard ! Vous feriez bien d’apprendre les bonnes manières !

— ça sert à quoi, les bonnes manières ?

— Vous finirez par découvrir qu’elles ont du bon et qu’elles peuvent se montrer utiles, dit Jane. Moi, je n’ai pas de manières, mais ça n’a pas d’importance. Primo, je suis riche, et puis plutôt jolie, et enfin j’ai plein d’amis influents — et aucune de ces affligeantes disgrâces qu’on étale maintenant dans les réclames. Je peux très bien me passer de bonnes manières. »

Si on est riche et jolie, peut-on se passer des bonnes manières ?

Passé le rire que provoque cette déclaration de la jeune femme, on en vient à s’interroger tout de même.

La jeune femme recommande à son prétendant d’utiliser les bonnes manières à ses fins. Mais elle-même avoue franchement ne pas en avoir besoin.

Elle reconnaît donc aux bonnes manières une utilité sociale.

Mais, bien nantie comme elle l’est, elle a la prétention de pouvoir sans passer.

Autrement dit, l’argent, la beauté physique et le réseau professionnel sont plus importants que les bonnes manières.

Posons la question à l’envers :

Les bonnes manières sont-elles destinées en premier lieu aux pauvres, aux laids et aux sans-réseau-pro ? (je ne sais comment appeler ces solitaires du monde du travail ? Dites-le-moi si vous trouvez la bonne expression, je vous prie).

Sous cet angle, je ne sais si je dois rire ou pleurer. Avec une auto-analyse spontanée, je pourrai dire que j’ai donc ouvert ce blog sur les bonnes manières parce que je me sentais pauvre, laide et sans-connexion professionnelle.

La petite voix orgueilleuse dans ma tête me dit : « Oh Darling, tu n’es pas si moche que ça voyons ! ».

Pour ce qui est de l’argent : je ne suis pas riche comme Crésus, je n’ai pas de perspective d’hériter une fortune ; mais je gagne fièrement et dignement mon argent par mon travail.

Quant au réseau-pro : oui, effectivement. A l’ouverture du blog, j’avais 29 ans, je vivais dans le sud de la France. On sait tous que « c’est à Paris que tout se passe », donc de ce côté-là, je partais perdante. Mais la vie locale reste riche en évènements. Le reste est encore devant moi… bref, oui, c’est un terrain à améliorer.

J’ai beau tourner et retourner la question dans ma tête, je ne pense pas que Jane ait raison. A moins que son seul but soit de se marier. Dans ce cas-là, effectivement, le fait d’être une belle et riche héritière suffit à certains hommes.

Mais pour ce qui est du bonheur à deux, de l’amitié, de l’épanouissement spirituel, de la vie culturelle, professionnelle ou associative, je ne pense pas que l’on puisse se passer des bonnes manières.

A vous de me dire !