Comment on invite une danseuse ? selon la méthode des années 1890…
L’extrait suivant provient du manuel de savoir-vivre, Le Guide des convenances, de Liselotte, paru aux éditions P.Orsini, à Paris, vers 1901. La réalité décrite est antérieure à la date de publication, donc on parle d’une réalité des années 1890…
Comment on invite une danseuse ?
p. 203
« Comment on invite une danseuse
La présentation du danseur, lorsqu’il y a présentation, est faite par la maîtresse de maison, son mari ou son fils.
On dit : « Je vous présente M. X…, un excellent danseur. »
Le jeune homme s’incline, la jeune fille également, sans se soulever. Il en profitera pour faire tout de suite son invitation ou attendra un autre moment.
Dans le premier cas, il s’inclinera, et dira :
— Me ferez-vous l’honneur, mademoiselle, de m’accorder la première valse, ou la deuxième polka, ou le quatrième boston ?
Le mot plaisir ne doit pas être employé à la place du mot honneur.
La jeune fille consulte vivement son carnet ; si elle n’est pas retenue, elle répond oui, ou volontiers, ou avec plaisir.
Elle inscrit la danse sur son carnet avec le nom du danseur, en regard de la danse promise.
Elle peut aussi tendre au jeune homme son carnet et son crayon ; il s’inscrit lui-même à l’endroit de la danse indiquée.
Si elle n’est pas libre, elle dira : « Je ne suis pas libre pour cette danse, mais je puis vous inscrire pour la… »
Lorsqu’on a refusé une danse, il est de très mauvais ton d’accepter un autre cavalier ; on doit s’abstenir de danser pendant tout le temps que dure la danse susdite.
Lorsqu’une femme a refusé deux fois de suite un cavalier, il ne doit plus se présenter ; c’est une sorte de manière d’indiquer qu’on ne désire point danser avec lui.
Pour refuser, on doit dire : « Merci, je suis retenue. »
Rien de plus banal que la conversation échangée entre des glissades de boston ; le jeune homme prélude généralement par cette phrase : « Etes-vous déjà beaucoup sortie cet hiver, mademoiselle ? ». La jeune fille répond, elle désigne les personnes chez lesquelles elle a dansé, cette réponse sert de thème au reste de la causerie, car il est bien rare que parmi les personnes citées on ne retrouve pas deux ou trois connaissances communes.
La danse finie, le cavalier reconduit la jeune fille et s’incline en remerciant, la jeune fille s’incline en disant : « Merci, Monsieur ».
On ne doit pas danser trop souvent avec la même jeune fille, à moins qu’elle ne soit votre fiancée.
Les invités doivent s’adresser en premier lieu à la maîtresse de maison ou à ses filles.
Les fils de la maîtresse du logis doivent faire danser tout le monde sans exception et remplacer ou aider leur mère dans tous ses devoirs.
Les hommes s’assoient peu pendant le bal, ils demeurent debout dans embrasure d’une porte ou dans l’enfoncement d’une fenêtre.
Lorsqu’ils ont salué une dame de leurs amies, s’il y a une chaise libre, ils s’assoient un moment auprès d’elle, mais se retirent vite.
L’officier doit se débarrasser de son sabre chaque fois qu’il danse et le poser debout contre la chaise de sa danseuse.
Le cavalier reconduit la dame à sa place aussitôt qu’elle se déclare fatiguée, et la quitte après l’avoir profondément saluée.
Si un cavalier, ayant retenu une danse, ne se présentait point au commencement pour réclamer l’exécution de la promesse, la jeune fille est libre de choisir un autre danseur ; mais nous ne lui conseillons point cette petite vengeance. Le mieux est d’oublier et de pardonner.
Un homme ne doit inviter une dame que s’il sait parfaitement conduire, autrement il risquerait fort d’embrouiller les figures et d’embarrasser sa danseuse.
En revanche, cette dernière doit être indulgente, ne point, si elle est tombée sur un mauvais danseur, le réprimander, lui donner des conseils aigres-doux, marquer son impatience en aucune façon. »
Comment on invite une danseuse ? : les impressions modernes des jeunes à qui j’ai lu l’extrait
- « Il est toujours bon d’avoir un crayon Ikea sur soi ! »
- « J’en connais beaucoup qui seraient agglutinés aux fenêtres. Je pense même qu’il y aurait baston près des portes pour savoir qui a le privilège d’y camper. »
- « Attention, tu danses trois fois avec la nana, et t’es fiancé ! »
- « Pourquoi on ne peut pas poser son sabre horizontalement ? »
- « Si c’est ta mère qui reçoit, tu dois te taper l’invit’ de toutes les nanas ! C’est à se tuer ! »
- « Donc, si j’ai bien compris : une femme ne peut pas choisir son cavalier ?! JAMAIS ?!! »
- « Comment on invite aujourd’hui une fille, c’est pas très différent, en fait. Tu t’inscris sur l’agenda google de ta meuf, tu poses ton portable sur la chaise, et tu inclines ton regard sur sa poitrine ».
- « C’est quoi, un boston ? »
« Comment on invite une danseuse ? » : cet extrait me faire rire, sourire, rêver et valser. J’aime me plonger dans ce monde de délicatesse d’antan. J’aime le fait qu’il y ait des règles et qu’on les respecte. J’aime la nuance entre « honneur » et « plaisir ».
J’aime la réaction des adolescents face à ce texte. Comment on invite une danseuse…
Il y a deux points que je ne comprends pas.
1/ Pourquoi l’auteur a-t-il choisi de ne pas inverser le sujet avec le verbe. On devrait dire : « comment invite-t-on une danseuse » et non « comment on invite une danseuse ».
2/ C’est quoi, un boston ?
Bonsoir,
Moi aussi, je rêve d’être une petite souris à la fin du 19e siècle dans un bal mondain…
Je dirais pour votre question 1/ qu’il s’agit d’une subtilité de la grammaire française : même s’il donne la réponse par la suite, il a choisi de ne pas formuler son titre sous forme de question. Il faudrait peut-être chercher du côté de l’académie française, dont le dictionnaire rend compréhensible un texte écrit il y a 100 ans.
Pour la 2/ je vous propose ceci : https://www.youtube.com/watch?v=m2FSuNhk1Oo
Bonjour,
Votre explication du 1/ est probablement la bonne.
Merci pour cette vidéo ! Je n’ai même pas eu le réflexe de chercher sur google. Les danseurs de la vidéo semblent respecter le dress code de l’époque, waouh !
Merci !!
Amicalement,