Quel est le déroulement d’un grand dîner de cérémonie au 19e siècle et est-ce normal qu’un diamant soit accroché au menu ?
Une fois de plus, je vous retranscris un extrait du manuel de savoir-vivre, Le Guide des convenances, de Liselotte, paru aux éditions P.Orsini, à Paris, vers 1901.
Pour apprécier ce genre de dîner de cérémonie en images, je vous conseille de visionner un épisode de la série Dowton Abbey.
Quasiment dans chaque épisode se trouve une scène de grand dîner mondain. La série retrace l’histoire d’une famille aristocratique anglaise dans les années 1910-1920. C’est le Royaume-Uni et non la France, et il y a 30 ans d’écart certes ; toutefois l’idée générale, l’apparat et le décorum sont là.
Dîner de cérémonie : l’extrait complet
p.159
« Dîners de grande cérémonie
Dîners intimes – Dîners de Têtes
Les dîners de grande cérémonie sont, en général, des dîners officiels, ou des dîners servis par un maître d’hôtel accompagné de serveurs loués.
Les hommes y assistent en habit, cravate blanche, gants blancs, souliers vernis, décorations.
Les femmes sont en toilettes décolletées, avec diamants dans les cheveux. La robe est en soie, en velours, en satin, en broché ; elle se garnit de broderies, de dentelles, de perles, de fourrure.
Le linge de maison est en fin damassé satiné et disparaît sous un amoncellement de fleurs, de cristaux, de lumières. Des guirlandes de fleurs courent autour de la table, contenues dans d’étroits sentiers en verre.
Il y a deux potages et deux sauces.
Les vins sont servis par des serveurs, dans l’ordre suivant :
Après le potage : Madère, vin du Cap ou de Sicile, Xérès sec.
Avec les huîtres : Garves, Barsac, Sauterne.
Avec les hors-d’œuvre : Chablis, Meursault.
Premier service : Les relevés et les entrées, Saint-Emilion, Bas-Médoc, Fronsac, que l’on boit dans le grand verre avec de l’eau ou sans eau.
Second service : Un grand cru de Bourgogne et Médoc.
Entremets : Vins blancs de Château-Yquem et vin du Rhin : Johannisberg, Rudesheimer, Asmanhauser, Margräfier.
Au rôti : Saint-Estèphe, Beaume, Mouton.
Au pâté de foie-gras : Château-Laffitte, Château-Margaux, Château-Latour, Haut-Biron, Léoville, ou Bourgogne, Corton, Romanée, Chambertin, Clos-Vougeot, vins de l’Ermitage, Seyssel.
A la fin du repas : Champagne frappé, Monopole, Pommery, Clicquot, Moët et Chandon, Montebello ; au dessert : vin de Banyuls, Tokay, Cimlo.
Pour les dîners de moins grande cérémonie, les hommes conservent très souvent l’habit.
C’est une mode très jolie, adoptée par beaucoup d’hommes du monde, d’être, à partir de six heures du soir, en habit.
Pour les dîners de demi-cérémonie, les femmes ont le demi-décolleté.
Quand il s’agit d’un dîner intime, on y va en tenue ordinaire, les hommes en veston, en jaquette ; les dames, en toilettes de ville avec chemisette claire ou corsage de tulle ou de mousseline, décolletage à clair.
Les dîners de têtes deviennent de plus en plus à la mode. On choisit pour se travestir, la coiffure qui sied le mieux à son genre de vissage. Toutes les fantaisies sont permises à moins qu’elles ne soient trop laides. On doit avoir le tact de ne pas choisir un déguisement qui effraie les voisins de table.
Quelques fois la carte d’invitation est accompagnée d’une note :
« Tout le monde sera en costume Louis XIV ».
J’ai reçu dernièrement une carte qui m’a donnée à réfléchir, elle portait en explication :
« On sera en devanture de pâtissier » ?
Cela signifiait simplement que la coiffure représenterait une forme de gâteau !
Les invitations doivent être faites trois semaines ou quinze jours d’avance. »
Dîner de cérémonie : comment mettre la table ?
Un peu plus loin, extrait sur la mise de la table par la maîtresse de maison :
p.162
« On met une minuscule salière à côté de chaque convive.
La carte même est disposée sur la serviette de façon que le nom inscrit sur le verso se détache et se lise aisément.
Il y a mille formes et mille variétés de menus. Beaucoup de jeune filles enjolivent et peignent elles-mêmes les menus à offrir : souvent au coin, on attache un bouquet de fleurs, un emblème, un petit objet amusant, j’y ai vu quelquefois des bijoux mignons, épingles de fantaisie, barrettes de diamants, épingles de cravate.
A mon avis, les menus les plus simples sont les meilleurs. Ils sont entourés d’un simple filet bleu ou rouge et portent inscrites en encre de couleur la liste des mets.
En haut, la date du jour.
A la campagne, on fait souvent précéder le menu d’une vue du château ou de la villa ou d’une vue du pays, avec cette indication :
« Château de Bellavenue, dîner du… »
« Villa des Magnolia, dîner du… »
Notes personnelles sur les grands dîners de cérémonie d’autrefois:
Si un amateur de vin de notre époque lit ces lignes, il aura un choc à la suggestion de « couper le vin avec de l’eau ».
L’idée qu’on prenne le soin de choisir une nappe de grande qualité et qu’on la rende invisible sous les décorations me fait sourire. Je considère cela comme le « paradoxe de l’aristocrate ».
« Dîner de tête » ne signifie pas dîner en tête à tête comme je l’ai pensé lors d’une première lecture. Il s’agit d’une soirée costumée. Le critère du choix du déguisement est le suivant : ne pas effrayer les voisins de table. A mon humble avis, il faudrait remettre cette règle en application à notre époque (carnaval, halloween, soirée à thème…). Le maquillage sanguinaire sur le visage me fait baisser les yeux. De fait, je parle avec mon interlocuteur sans le regarder, ce qui est fait de moi une impolie, alors que je ne me sens pas à l’aise avec son « visage maquillé ».
Oui, une salière par personne. Au XXe siècle, on est passé à une salière et poivrière pour 4. Aujourd’hui, on peut dire une pour la tablée. Et je vous avoue avoir vu des tables sans aucune salière ou poivrière (et ce n’était pas un oubli).
« Villa des Magnolia » sans « s ». Oui, c’est écrit ainsi.
J’aime l’idée de préciser la date et le lieu sur le menu. Cela devient ainsi un réel « cadeau-invité » comme l’équivalent de nos dragées de mariage. Cela contribue au côté exceptionnel et grandiose d’un dîner de cérémonie.
Si le thème de votre soirée est incompréhensible, attendez-vous à des surprises. « On sera en devanture de pâtissier » signifie pour mon petit cerveau « la fête se tiendra dans la rue face à la boutique de pâtisserie ». Je me serais sentie bien seule…
Autrefois, le menu était un bristol individuel recto-verso. Au recto : le prénom du convive. Cela sert donc de marque-place. Au verso : la liste des mets présentés au dîner de cérémonie.
Recevoir un diamant en cadeau est un usage qui s’est perdu… Il faut croire que les temps sont durs…
Merci beaucoup pour ce récapitulatif. La salière individuelle, cela fait beaucoup de matériel pour 1 repas de temps en temps!! J’aime beaucoup votre conclusion (même si j’aurai écrit : « il faut croire que les temps sont durs… »).
Bonjour,
Merci pour votre message. J’ai longtemps hésité sur l’accord du verbe être, peut-être me suis-je trompée. J’ai donc corrigé selon votre suggestion. Merci !
Amicalement,
Bravo pour cet article! C’est très intéressant.
Merci 🙂
Bonjour de quand date la photo (première) présente sur votre article ? Avez-vous la référence s’il-vous-plait ? Elle m’intéresse pour un travail que je dois effectuer en histoire sur les manières de table au XXème siècle.
D’avance merci !
Bonjour,
Votre sujet éveille mon intérêt 🙂
Malheureusement, je n’ai pas la référence exacte.
Amicalement,