Quand le tutoiement devient-il une marque d’irrespect ?
Une fois de plus, je vais céder la plume à la grande auteure contemporaine, Amélie Nothomb. Je ne présente plus cette écrivaine française/belge. Ou en tous les cas aussi française qu’Hercule Poirot l’est 😉
Il y a un an, j’avais déjà partagé avec vous un extrait de son roman Le Crime du comte Neville où elle développe mieux que personne la définition de l’hôte modèle.
Lisez l’extrait, c’est délectable. On parle des valeurs hospitalières de la grande aristocratie. C’est beau et honorable.
Aujourd’hui, je vous reproduis un extrait de la page 150 de son roman Frappe-toi le cœur, paru en 2017, aux éditions Albin Michel.
Diane, une jeune femme apprentie-médecin discute avec son amie-professeur, Olivia. Diane assiste déjà Olivia depuis des années sur le plan professionnel.
Les lignes qui suivent présentent le passage du vouvoiement au tutoiement.
Olivia :
« […] Vous comptez beaucoup pour moi, vous savez. D’ailleurs, j’ai quelque chose à vous proposer.
« Nous y voilà », pensa Diane, qui redoutait une nouvelle charge de travail.
— J’aimerais vous tutoyer, dit Olivia en souriant.
La jeune femme s’y attendait si peu qu’elle écarquilla les yeux. Touchée, elle finit par accepter.
— C’est d’accord ? Ah, je suis contente. C’est tellement plus sympathique.
— J’aurais besoin de ton indulgence, implora Diane. Je risque de me tromper souvent.
— Aucun problème. Nous aurions dû passer au tu depuis longtemps. C’est en entendant Mariel te tutoyer que j’y ai pensé.
Diane fulminait. « J’aurais dû m’en douter, comment ai-je pu prendre pour une marque d’amitié ce qui n’était que de la jalousie envers sa fille ? ».
Par la suite, elle regretta amèrement ce tutoiement. L’abandon du voussoiement correspondit chez Olivia à la disparition des dernières traces de respect qu’elle lui manifestait encore. Auparavant, elle lui disait : « Pardon, avez-vous terminé de corriger les écrits des partiels ? ». A présent, c’était devenu : « Bon, c’est fini, ces corrections ? ».
Le grand absent du tutoiement, c’était le tu. Olivia ne s’adressait même plus à quelqu’un. »
Quand le tutoiement devient-il une marque d’irrespect ?
Le style lapidaire d’Amélie Nothomb illustre si bien l’irrespect lié au tutoiement.
Sachez qu’en France, le vouvoiement est la règle lors d’une première rencontre. Même dans le cadre amical, il est d’usage de saluer par « vous ». Le tutoiement est rapide par la suite, mais le vouvoiement est un passage obligé.
Dans le milieu professionnel, il est courant de vouvoyer ses chefs et collègues mais en utilisant le prénom. Ce n’est plus « Madame Dupont, vous… », mais « Martine, vous… ».
Autant lorsque tout va bien, le « vous » semble parfois étroit, forcé, lointain et (totalement) inapproprié. Autant lorsque le ton monte, la demande d’augmentation ou les désaccords arrivent, le « tu » fait perdre en crédibilité.
Avec la belle-famille, il est attendu que l’on vous propose de passer au « tu » après plusieurs années de mariage, ou jamais. Ce n’est pas un refus de vous voir rentrer dans la famille. Il ne faut pas le prendre personnellement. C’est un signe de respect. (Je comprends qu’il y ait des nuances selon les familles. Mais dans tous les cas, efforcez-vous de toujours interpréter les choses positivement).
Comment faire pour que le tutoiement ne soit pas considéré comme irrespectueux ?
Réponses :
1/ Utilisez le prénom autant de fois que possible.
2/ Regardez la personne dans les yeux en lui parlant.
3 / Utilisez le « tu ». Oui, aussi bête que cela paraisse, il faut utiliser ce pronom.
4 / Ayez un ton de voix bienveillant. Dans le monde professionnel, il est inutile d’être « maternel », « doux », « câlin », ou « familier ». Mais bienveillant est un minium attendu.
5/ Souriez. Ou faute de sourire, efforcez-vous de ne pas avoir un visage totalement impassible.